Thierry Terrien - Sculpteur
 
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Des visages entiers

Ce sculpteur. D’une tête qui fait irruption, entre deux épaules toujours prêtes à s’attraper : à affronter ou embrasser. Puisque c’est entre deux épaules que la matière est, la matière significative et violente. Et lui, il n’est intéressé que par cela : affronter et embrasser.

Que faire avec la matière-en-soi, sinon l’affronter et l’embrasser tour à tour, sans relâche, dans son jaillir ? En nos turpitudes, ce faillir atteint parfois des sommets, dont l’irruption d’un visage.

Véritablement, on se reconnaît mieux à des visages qu’à des menottes ou à une foule sans figures. Tant d’innombrables figures provisoires, qui reconnaît qui ? Alors que les gueules corrompues des chefs ressemblent à des œufs pleins de limaces.

Justement distinguer des visages, quand ces chefs les mettent en boîte ou les embellissent, afin que personne ne se reconnaissent. Par suite, quelques précurseurs dans l’art - et tous leurs suiveurs - auront vidé d’anonymes déchets sur les parquets des musées. Ces épandeurs avaient des grâces de balayettes fin de siècle.

Ce sculpteur, Thierry TERRIEN, a la grâce du carrier du nouveau siècle. Entre deux épaules, il prend, se reprend, fait, refait une matière-en-soi, où chacun est son prisonnier et son jaillir. Car jaillir de soi, embrassé à quelque visage, après la lutte, est une des plus grandes délicatesses de vivre.

Nos visages faillissent dans les tourments, la franchise, notre avidité naturelle, dont le lancinant désir d’être toujours plus : que dominent ensemble ce que nous fûmes, voulons être, feignons d’être ; et de cette petite hauteur, si nous nous détestons encore par-dessous, dans l’attente de régner, considérer étroitement autrui.

Largement considérer autrui, c’est toujours le travail du sculpteur. Entre deux épaules, affronter et embrasser jusqu'à ce qu’une tête soit un visage soit entier ; ce qu’hélas, hommes de chair, ne pouvons réussir aussi durablement.

Provisoirement, ce contour de quelques lignes quand s’accomplissent, dans cette exposition, des visages osés qui sont le fond des nôtres, jaillissant de leurs turpitudes, en des temps arides.

Claude GIPPON, 2003